L’addiction, qu’est-ce que c’est ?
Le terme addiction
Tout d’abord pour introduire mon propos, et même si beaucoup d’entre vous le savent ou le supposent, il est essentiel de rappeler que : les conduites addictives constituent une problématique majeure de santé en France (et même au-delà de nos frontières mais j’y reviendrai ultérieurement).
Et je ne sais pas vous, mais moi j’entends tout le temps, partout et par tout le monde les mots addiction, addict, accro, dépendant, etc.
Ces termes sont tour à tour :
encensés,
banalisés,
minimisés,
utilisés comme outil de communication, argument marketing (…).
Employé à bon ou mauvais escient (majoritairement), il est synonyme de jugement : positif ou négatif. La personne qui se l’attribue ou l’attribue à quelqu’un d’autre, pose une étiquette.
Le terme addiction est aujourd’hui associé à des représentations et des réalités très diverses :
les toxicomanies depuis longtemps,
le tabagisme depuis quelques années,
l’alcool maintenant,
et aussi d’autres comportements répétés aux conséquences négatives.
Cependant, il désigne des pathologies bien définies dont l’approche et la compréhension nécessitent de faire la part entre un concept scientifique et des représentations sociales parfois sources de confusion.
Addictologue de formation, une de mes missions est la réduction des risques et des dommages (RdRD).
Cette réduction passe notamment par l’information et permet ainsi une prévention.
Cet article permet donc de faire le point sur ce qu’est véritablement l’addiction et les facteurs de vulnérabilité.
Alors, c’est quoi une addiction ?
Le terme est apparu dans les années 2000 en France. Comme cité plus haut, jusqu’alors il était surtout question de tabagisme, d’alcoolisme et de toxicomanie.
Plusieurs définitions coexistent pour expliquer ce que sont les addictions.
En 1990, Aviel Goodman, psychiatre addictologue, a publié un article scientifique avec la définition suivante qui fait référence :
Processus dans lequel est réalisé un comportement qui peut avoir pour fonction de procurer du plaisir et de soulager un malaise intérieur, et qui se caractérise par l’échec répété de son contrôle et sa persistance en dépit des conséquences négatives.
Ceci étant dit, le concept des « 5C » proposé par le psychiatre addictologue Laurent Karila ; aide également à la représentation plus fine de ce que recouvre le terme addiction :
Contrôle (perte de contrôle)
Consommation (envie irrépressible de consommer)
Compulsion (activité compulsive)
Continu (usage continu)
Conséquences (usage continu malgré les conséquences négatives)
L’addiction, qu’elle soit comportementale ou à des substances psychoactives, traduit la perte du contrôle des mécanismes naturels :
d’une part, de la recherche du plaisir et d’évitement de la souffrance,
d’autre part, de la régulation des émotions, que celles-ci soient agréables ou désagréables.
Le système de récompense
Vous avez sans doute entendu parler du système de récompense. C’est le système qui favorise les actions nécessaires à notre (sur)vie comme boire, manger, se reproduire (…) Satisfaire à ces besoins amène des sensations plaisantes, d’où le nom de ce système.
L’addiction correspond donc à un dysfonctionnement ou dérèglement durable des circuits neurobiologiques qui permettent la régulation de la recherche du plaisir et de la gestion des émotions, notamment celle du système de récompense.
Les avancées scientifiques (en neurosciences) nous permettent aujourd’hui d’en savoir davantage sur les mécanismes biologiques, psychiques et psychologiques de l’addiction ainsi que leurs interactions.
Les facteurs de vulnérabilité
Les études et recherches aident les spécialistes à identifier les facteurs de vulnérabilité individuels et sociaux pour agir et prévenir.
La vulnérabilité d’une personne aux conduites addictives résulte de l’interaction entre des facteurs liés au Produit (ou comportement), à l’Individu et à l’Environnement (ou contexte). La connaissance de ces facteurs permet de mieux cibler les actions de prévention.
En 1970 et face à ses nombreux opposants, un psychiatre français (et oui encore un !), Claude Olievenstein, surnommé « le psy des toxicos », a modélisé le processus de l’addiction par :
un triangle de la rencontre entre un individu et un produit (ou un comportement) à un moment donné (contexte, environnement).
Je m’attarderai ici principalement sur deux des trois facteurs à savoir :
Facteurs liés à l’individu :
facteurs génétiques : adaptation au stress, régulation des émotions, tolérance des substances psychoactives seraient en partie génétiquement déterminés ;
l’âge : l’adolescence est l’âge de l’expérimentation du risque et souvent de l’installation des pratiques addictives ; la précocité des consommations favorise le risque de dépendance ;
certains traits de personnalité, le tempérament, tels que : une timidité, une faible estime de soi, une hyperémotivité ou une intolérance aux frustrations (recherche de nouveauté et de sensations) ;
la survenue d’une pathologie psychiatrique multiplie par 2 le risque d’addiction ;
les événements de vie : pertes, deuils, maltraitance, abus sexuels.
Facteurs liés à l’environnement :
familiaux : attitudes affectives et éducatives parentales inadaptées (carences, négligences, permissivité, incohérences), mésusages familiaux de substances ou comportementaux ;
groupe de pairs : pression du groupe, recherche d’identification ;
socio-culturels : tolérance sociale, incitation culturelle ou publicitaire, perte des repères sociaux.
Les différentes formes d’addiction
Comme dit plus haut, les addictions sont répertoriées en deux catégories :
avec produit ou substance psycho-active : tabac, alcool, cannabis, médicaments, autres drogues
Elles peuvent impacter des domaines de plaisir en devenant :
comportementales : achats compulsifs, addiction aux jeux vidéos ou aux écrans, jeux de hasard et d’argent, troubles du comportement alimentaire, cyberaddiction, addiction sexuelle, au sport, au travail, à la pornographie…
En conclusion :
J’ai plusieurs bonnes nouvelles pour conclure sur une partie de ce sujet très vaste !
Vous avez sans doute constaté en lisant cet article qu’il est possible d’agir sur de nombreux facteurs qu’ils soient liés à l’environnement ou aux individus eux-mêmes.
Quant aux facteurs liés aux produits, aux comportements ; le champ des possibles est là aussi étendu.
Les actions de prévention, par l’information, la réflexion, la mise en mots…
Des professionnels agissent tous les jours en ce sens !
La société toute entière doit élaborer des réponses adaptées, car les addictions et dépendances ne peuvent être isolées du contexte social, culturel, politique et économique dans lequel elles s’inscrivent. C’est donc en complément et bien au-delà de réponses individuelles que nous devons chercher de nouvelles réponses et notamment en matière éducative.
L’addiction à une substance ou à un comportement est un trouble mental qui génère en sus des conséquences négatives de la souffrance.
Elle nécessite une aide pour s’en sortir et retrouver un équilibre.
Ces aides existent et j’ai le privilège de faire partie de cette palette de réponses possibles pour aider les personnes qui souffrent d’addictions et/ou leur entourage.